Kazi nazrul islam : Poète rebelle

Le premier écrivain qui explora l'esprit d'un musulman bengali modern fut Islam Kazi Nazrul (1898-1976). Bien qu'il soit né au Bengale (en Inde) et qu'il ait une épousé Hindoue, Nazrul ne tarda pas à devenir, dès le début du Xxe siècle, le porte-parole des musulmans bengalis. Plus tard, après l'indépendance du Bangladesh, il fut honoré comme poète national.
Nazrul islam fut le premier et le plus grand "poète rebelle" d'une lignée qui devait par la suite orienter la poésie bengali vers un réalisme lucide. Son œuvre a marqué le commencement d'une ère nouvelle qui, d'une manière générale, a lancé un défi aux tendances et aux traditions de l'école de poésie héritière de Rabindranath Tagore (Prix Nobel, littérature 1913). Les poète qui s'étaient jusque-là tournés nostalgiquement vers un passé de grandeur ou qui avaient trouvé dans l'évasion par le rêve une façon de nier le présent, prirent brusquement conscience de leur peuple et, par là-même, au service de l'Homme. Leur poésie devint une poésie brûlante, une "poésie de circonstance"
Nazrul islam a été surnommé le "poète rebelle" du Bengale à cause de son très beau poème Vidrohi - Le Rebelle - qui est comme une image en raccourci de toute sa vie et de toute son œuvre :

Je suis un rebelle, une forte tête,
Je fais les quatre volontés de mon cœur,
Bien, mal, vrai ou faux,
Je suis aux prises avec Satan lui-même,
J'accueille la mort avec une chanson.

Je suis le rebelle, las du combat,
Mais je ne me reposerai que le jour
Où l'épée de l'agresseur
Ne sera plus suspendue
Au-dessus du champ de bataille,
Où les gémissements des opprimés
Ne retentiront plus dans l'air.

Il se révéla le plus dynamique des poètes bengali et il sut éveiller à la pleine conscience son peuple que la domination étrangère avait plongé dans une sorte de torpeur et de résignation impuissante. Il n'a cessé de prêcher l'émancipation de tous les peuples de l'esclavage - qu'il soit d'ordre politique, économique, culturel ou social. En un mort, il était pour la libération de l'Homme.
Après une enfance difficile, Nazrul fut arraché à ses études par la première Guerre Mondiale qui l'appela, selon sa propre expression, "de l'Université à l'Univers". En 1916 il s'engagea dans le 49e régiment du Bengale (il était alors âgé de 18 ans) et, des camps militaires, envoya régulièrement ses articles et ses poèmes à différents magazines de Calcutta. Il ne tarda pas à se faire une réputation dans les cercles littéraires et, en l'espace de quelques années, il devint le poète le plus authentique et le plus bouleversant du Bengale et même de l'Inde.
La violence de ses écrits irrita l'administration britannique et on l'arrêta pour menées séditieuses. Au procès, Nazrul fit une déclaration dont la hardiesse causa une stupéfaction générale. Nous en citons un extrait :
"Du côté du Rio sont rangés les serviteurs salariés du Roi ; à mes côtés se tient le Roi des rois, le Juge des juges, la Vérité Eternelle, Dieu Tout-Puissant…
Je suis un poète, envoyé par Dieu pour exprimer la Vérité inexprimée et pour donner une forme à la Création informe. Dieu s'exprime par la Voix du poète.
Ma voix est l'expression de la Vérité. Cette voix peut être séditieuse d'après la loi du Roi, mais aux yeux de la justice elle n'est rien d'autre que la justice et la Vérité. Cette voix est peut-être coupable dans la Cour du Roi, mais aux yeux de la Loi Divine elle est la Vérité Innocente, immaculée, entière, inextinguible.
La Vérité s'exprime d'elle-même. Aucun courroux royal ne peut la faire taire. Je suis le Luth de l'Être Eternel - un Luth qui chant la Vérité Eternelle. Je suis le Luth Divin. Je ne suis pas coupable de menées séditieuses. Le vrai coupable est Dieu dont je suis le porte-parole. Il n'existe pas de pouvoir royal ni de dieu supérieur pour le punir. Il n'existe pas encore de police ni de prison pour L'emprisonner.
La foi que j'ai en moi-même est solide et inébranlable. J'ai la conviction profonde d'avoir dénoncé le mal comme mal, l'injustice comme injustice et le mensonge comme mensonge…".
Cette éloquente défense n'attira pas la clémence des juges et Nazrul fut condamné à un an de prison. C'est dans sa cellule qu'il composa son chant bien connu "Shikal Parar Gan" - Le Chant des Enchaînés - dans lequel il dit :

Si nous sommes dans les chaînes
Sachez que ce n'est qu'une ruse
Pour mieux briser nos chaînes
Vous croyez nous avoir verrouillés
Dans les cachots de vos prisons
Mais nos cœurs en grand secret
Complotent pour notre libération
Nous sommes détenus ici, mes frères,
Pour que finisse la terreur des fers
Je vous le dis à tous en vérité
Ces pieds qu'on nous a enchaînés
Ne sont que l'engin de guerre
Qui du peuple brisera les fers.

Bien entendu, ce poème lui attira de nouveaux ennuis et pour protester, le poète fit une grève de la faim. Il rompit son jeûne le 49e jour pour répondre à un appel du pays transmis par une résolution votée à un meeting public à Calcutta.
Après sa mise en liberté, Nazrul islam fut pendant une vingtaine d'années la gloire de la littérature bengale. Sa popularité était immense et il est encore considéré à l'heure actuelle comme un des plus grands poètes de son époque. Malheureusement, la folie a brutalement retiré la lumière à ce grand esprit et à ce grand cœur - mais le bon grain semé aux heures de détresse a fleuri en moisson généreuse que le peuple du Bengale recueille en chantant.
Jasimuddin, le poète de le vie rurale et des traditions folkloriques, fut le premier à s'engager dans la nouvelle voie. Témoins, son si émouvant "Chant du Temps de la Famine", écrit en 1943, et son bouleversant poème "La Fille au Tandis".
Avec Nazrul Islam et ses successeurs, la poésie bengali entre donc pour la première fois en contact étroit avec le monde réel. L'univers quotidien de l'homme devient thème central de cette poésie nouvelle née au cœur de la mêlée, à un moment crucial de l'histoire - tout comme l'admirable poésie française issue de la Résistance. Les poètes du Bengale semblent avoir compris qu'il n'y a de poésie véritable que dans l'humain, que ses matériaux sont à chercher dans la vie même. Tout porte à croire qu'un avenir brillant leur est réservé.

Source : Luce-Claude Maître, "Les poètes rebelle du Bengale", mai 1954, et autres.

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